Extrait du livre : JU-JITSU “La Force Millénaire”, Budo Editions
par Roland HERNAEZ, 9ème DAN Japon du SEIBUKAN ACADEMY
- R. HABERSETZER : “Ju Jitsu et Kïaï (Marabout)
- BUDO MAGAZINE EUROPE
- KARATE-BUSHIDO MAGAZINE
- DOJO ARTS MARTIAUX
- STEPHEN R. TURBULL: “Samourai seigneurs Japonais de la guerre” (Ed. Bordas)
- INAZO NITOBE: L’âme du Japon” (Siam)
- M. RANDOM : “Arts martiaux ou esprit des budo” (Ed. Nathan)
- JAPON: (Peuples et nations) Time Life
- C. HUGUET : “Acupuncture et arts martiaux” (Ed. Maisonneuve)
- F. DIDIER: “Karate-Do l’esprit guerrier” (Ed. Sedirep)
Depuis que l’homme est apparu sur terre, il a dû combattre pour rester vivant face à une nature hostile, contre les animaux et contre les hommes, non seulement pour défendre ses biens, mais aussi pour assurer sa supériorité et pour régner en maître sur son entourage.
Le Japon pays en proie à des guerres perpétuelles entre clans, mais aussi pour protéger son territoire, développa l’art du combat d’une manière particulièrement efficace surtout en ce qui concerne le corps à corps et ceci pendant la période féodale durant laquelle les arts militaires prirent un maximum d’importance.
Parmi ces arts le SUMO puis le JU-JUTSU occupaient la première place. A l’origine, le SUMO (ou SUMAI c’est à dire le combat) était confondu dans l’ensemble des luttes japonaises. Selon les historiens, sa séparation remonte à un fameux combat, celui de NOMI NO SOKUNE et TAIMA NO KUEHAYA. Aujourd’hui, il est admis que les origines du JU-JUTSU datent de cette époque.
De toute façon, il est vraisemblable que les Arts Martiaux japonais naquirent aux Indes, puis par l’intermédiaire de la Chine se concrétisèrent plus tard au Japon. Des documents prouvent qu’en Grèce comme en Egypte des méthodes de combat proches du JU-JUTSU Japonais étaient pratiquées par les hommes d’armes. Des bas reliefs sur certains tombeaux le démontrent de manière formelle.
Selon la tradition, l’Empereur MING-TI de la dernière dynastie HAN envoya aux Indes des agents qui rapportèrent des techniques de combat rapproché.
En 527 de notre ère, le moine indien BODHI DHARMA enseignait la religion bouddhiste dans un monastère du nom de SHAOLIN dans la province de HONAN en chine.
BODHIDHARMA (DARUMA) incorpora dans ses exercices quotidiens de ZEN, exercices qu’il enseignait à ses moines, des techniques de combat corps à corps inspirées de la lutte animale. Il est intéressant de noter que le nom de SHORINJI que l’on retrouve dans l’histoire du BUDO japonais et dans plusieurs écoles (SHORIN -RYU, SHORINJI- KEMPO…) est la lecture du mot chinois SHAOLIN.
Introduit au Japon par les moines, certaines de ces techniques donnèrent naissance au SUMAI, au TODE, au KOGUSOKU qui deviendra l’AIKI- JUTSU, ainsi que le KUMIUCHI, art du combat à mains nues né sur les champs de bataille.
Trois grandes époques peuvent caractériser l’évolution des Arts Martiaux au Japon :
L’époque du BU-JUTSU:
Epoque des techniques de combat, expérimentées au cours de luttes sanglantes ou sur le champs de bataille.
L’époque des BU-GEI : (Art du combat)
Les techniques sont classées en 18 arts : les BU-GEI JU-HAPPAN – époque du perfectionnement des styles, création d’écoles.
Les techniques du JU-JUTSU créées à une époque où le combat, réalité quotidienne, enseignait l’art de survivre, sont codifiées. Les BUSHI (guerriers et SAMOURAI), souvent des maîtres de renom, ouvrent des écoles : les RYU.
L’époque moderne :
Les BUDO : création des Arts Martiaux traditionnels.
Les soucis principaux étaient orientés vers l’esthétisme (l’éducation physique et morale des pratiquants) et l’orientation de la technique (JITSU) vers la voie (DO); la recherche se poursuivant toute une vie.
Subissant l’influence de groupements religieux, les Arts Martiaux s’imprègnent de philosophie, obligeant parfois à accorder une prédominance plus spirituelle que physique.
En revenant aux origines du JU-JUTSU, le maître JIGORO KANO créateur du JUDO moderne (1860-1939), explique que venant de Chine, les premiers maîtres donnèrent un enseignement de base très rudimentaire. Les techniques d’attaque et de défense portaient essentiellement sur l’utilisation des pieds et des mains.
Au fur et à mesure, les pratiquants utilisèrent davantage de souplesse, l’esquive venue du travail au sabre, le contrôle de l’attaque, l’apport des luxations et des projections.
Le JU-JUTSU était né.
Cependant, le JU-JUTSU des SAMOURAI ne comprenait pas uniquement des projections, frappes, luxations et étranglements, mais aussi un art qui permettait de sauver un sujet en état de mort apparente ou de calmer certaines douleurs: cet art s’appelait KUATSU. Les KUATSU sont toujours enseignés aux ceintures noires et en particulier aux professeurs. Ils font partie des épreuves d’examen de 2ème degré de NIHON JU-JUTSU et de NIHON TAI-JITSU.
Ces techniques de “retour à la vie” agissent en général sur l’excitation des zones réflexogènes avec retentissement sur les centres nerveux et cardiaques. Le mot KUATSU est la contraction de KUA (vie) et TSU (JUTSU). Le mot KWAPPO qui est souvent employé par les spécialistes signifie “ensemble des méthodes de retour à la vie.”
Pour ajouter à la formation du JU-JUTSUKA, les KUATSU se complétaient du SEIFUKU (art des rebouteux).
Sur le plan historique, le KOJIKI livre des choses anciennes, un des plus vieux ouvrages de référence, puis plus tard le NIHON SHOKI, relatent des épisodes de lutte corps à corps.
Dès le début de l’ère MUROMACHI, à partir du XIVème siècle, le SUMO et le KUMI UCHI commencèrent à se codifier.
Faisant partie de la formation des SAMOURAI, ils donnèrent naissance vers 1500 au BU-JUTSU (Technique de Combat) et à de nombreux RYU, chacun de ces RYU ayant une méthode et surtout une technique propre à lui-même. Chaque RYU transmettait oralement l’ensemble codifié du maître aux disciples.
Les premiers RYU naquirent durant le Japon médiéval, vraisemblablement au XVème siècle . Issu de ces RYU, l’art des BUSHI (guerriers) allait progressivement trouver sa forme définitive. Cependant, ce ne fut qu’au début du XVIIème siècle que le nom de JU-JUTSU apparut fréquemment à la place de l’appellation KUMI-UCHI.
Groupés sous le nom générique de JU-JUTSU, voici quelques uns des RYU célèbres:
YAWARA JUTSU | TAI JUTSU |
WA JUTSU | TORITE |
KOGUSOKU | KEMPO |
HAKUDA | KUMI UCHI |
SHUBAKU | KOSHI NO WAKARI |
TENSHIN SHINYO RYU | KITO RYU |
KIUSHIN RYU | TAKENO UCHI RYU |
Cependant, comme il a été dit auparavant, l’influence chinoise continua d’imprégner les BUDO japonais, par exemple vers 1600, le Chinois TCHIN GEN PIN s’installa à EDO (qui deviendra plus tard TOKYO) et y enseigna des techniques de combat corps à corps de l’époque MING à trois RONIN (voir plus loin).
Le travail accompli par ces quatre techniciens fait partie de cette immense compilation qu’est le JU-JUTSU. Recherches locales et apports extérieurs, venant souvent de Chine, ont contribué à l’évolution du JU-JITSU ancestral, lui donnant parfois une forme imprégnée de douceur et de non violence.
La philosophie chinoise donne en ce qui concerne la forme de combat corps à corps du JU-JUTSU l’image du saule pliant sous la neige, cédant ensuite sous son poids pour la rejeter, par opposition au pin qui résiste longtemps à cette accumulation avant de voir ses branches se briser.
LE BUSHIDO
Le code d’honneur des SAMOURAI; le BUSHIDO comprenait les règles de vie, la vénération des ancêtres, l’obéissance totale au suzerain, la probité d’esprit et de cœur, le mépris de la mort.
Le premier ouvrage traitant de ce code est le HAGAKURE “livre secret des SAMOURAI”. Il fut écrit aux environs de 1700 par un moine guerrier YAMAMOTO TSUNETOMO. Cet ouvrage exalte, en onze volumes, le BUSHIDO.
INAZO NITOBE a écrit dans BUSHIDO, l’âme du Japon, “le BUSHIDO, en tant que code éthique indépendant, disparaîtra peut-être mais sa valeur n’aura pas changé, ses écoles martiales seront peut-être anéanties mais sa lumière et sa gloire survivront à leur ruine”.
Le BUSHIDO allie à l’étude des formes classiques des arts martiaux japonais, la recherche d’une certaine pureté dans la forme. C’est donc non seulement l’étude du style, mais la poursuite du spirituel.
LES SAMOURAI
Le samouraï, “celui qui sert”, le chevalier prêt à tous les sacrifices, chef menant ses troupes au combat est aussi un défenseur de la paix, ainsi qu’un administrateur. Citons l’ouvrage remarquable, SAMOURAI, seigneurs japonais de la guerre par Stéphen R. TURNBULL (Bordas).
Le “SAMOURAI, personnage tour à tour cruel et romantique imprégné de loyalisme est toujours prêt au sacrifice de sa vie … chevalier médiéval rompu aux arts martiaux et plongeant dans la bataille pour y mener son combat singulier… toute l’histoire politique et militaire du Japon repose sur l’épopée des SAMOURAI du 16ème siècle; NOBUNAGA et HIDEYOSHI combattirent à la tête de leurs SAMOURAI pour unifier le Japon et lorsque la paix fut enfin établie pour plus de deux siècles, les SAMOURAI, devenus fonctionnaires abandonnèrent leurs armures fonctionnelles, rouillées par l’eau des rizières, pour d’autres plus élaborées et plus décoratives.”
LES RONIN
Il s’agissait de SAMOURAI qui ayant quitté volontairement ou non le service de leur seigneur, ne possédaient en général que leur armure, leur épée et leur courage. Les RONIN vivaient de charité, certains suivaient scrupuleusement le code d’honneur du BUSHIDO, en revanche d’autres devinrent brigands. Quelques RONIN furent des experts en BUDO et ouvrirent des DOJO.
Ouvrage de référence: le BU-JUTSU RYU JOROKU (biographie des fondateurs de RYU).
Sachant que le moyen âge japonais dura plus de mille ans, on comprend pourquoi les arts martiaux japonais ont atteint un degré de perfection qu’aucun pays n’a pu égaler. L’origine de nombreuses écoles reposent sur des légendes plus que sur des réalités. L’addition des techniques utilisées par les BUSHI comme par les moines guerriers ou tout simplement par les marchands et paysans et reprise par des experts de valeur fit le reste.
YOSHIN RYU
La légende la plus caractéristique est sans conteste celle qui explique l’origine de l’école très populaire: YOSHIN RYU “l’école de l’esprit du saule”.
Un médecin du nom de SHIROBEI AKIYAMA après avoir étudié un grand nombre de techniques, les enseigna mais sans le succès escompté. Un jour d’hiver, pendant qu’il méditait, une violente tempête de neige brisa de nombreux sapins, seul un saule par sa flexibilité rejetait le poids de la neige. Le médecin fut illuminé par cette démonstration “céder pour vaincre” et modifia son enseignement qui fut à l’origine du JU-JUTSU et certainement du JUDO moderne (école JIGORO Kano).
TENJIN SHINYO RYU
Il s’agit de la fusion de deux anciens RYU, le YOSHIN et le SHIN NO SHINDO. Le fondateur de la première, comme nous venons de le lire, s’appelait SHIRONEI AKIYAMA et vivait au 17ème siècle. L’école SHIN NO SHINDO fut fondée par le policier YAMAMOTO. Les deux méthodes furent réunies par ISO MATAEMON sensei, sous le nouveau nom de TENJIN SHINYO RYU.
ISO MATAEMON s’attacha spécialement au travail de l’ATE-WAZA (les coups), son troisième successeur qui portait le même nom fut un des professeurs de JU-JUTSU de maître J. KANO. Ce dernier et maître ISO firent d’ailleurs une démonstration de JU-JUTSU devant le général GRANT en visite au Japon.
GENJI NO HEIHO
Une des plus anciennes écoles (Japon féodal du XIIIème siècle). Patrimoine d’une grande famille, les GENJI, l’école comprenait l’art complet de la guerre: construction de forteresses, armement des guerriers, techniques de combat, KYUDO, KEN-JUTSU, pratique du KUMIUCHI, etc…
TAKENO UCHI RYU (XVIème siècle)
Le fondateur, un samouraï de haut rang HISAMORI, fut appelé plus tard TAKENO UCHI. L’école fut élargie aux connaissances suivantes: sabre, NAGITANA (lance), TESSEN (éventail de guerre), JO et BO (bâton), SHURIKEN et TANTO JUTSU (poignard).
TAKEDA RYU
Une autre grande famille au 16ème siècle, les TAKEDA (TAKEDA HEIDO). Enseignement qui donna naissance au DAITO RYU AIKI-JUTSU. Cette méthode comprenait de très nombreuses techniques issues de l’art du sabre le KEN-JUTSU. MINAMOTO NO YORIOYCHI (1036-1127) fût un des plus grands maîtres de JU-JUTSU de l’époque. Sa technique imprégna certainement l’école TAKEDA.
L’ECOLE YORITOMO
Fondée par MINAMOTO NO YORITOMO.
Celui-ci exhortait ses hommes à pratiquer les arts martiaux en accordant une large place au JU-JUTSU. Les noms TEDORI et TEDIKI furent souvent employés dans cette école. La devise de MINAMOTO était la suivante: “remportez la victoire sur le dos votre cheval mais n’y régniez pas”.
YAGYU SHINGAN RYU (de SHIN esprit et de GAN regard)
Fondée par YAGYU.
La méthode comprenait en plus du JU-JUTSU, les armes du KOBUDO : lance, éventail, faucille, bâton, etc…
KO GUSOKU
Le KOGUSOKU était un ensemble de techniques de défenses contre un attaquant portant une arme légère.
L’histoire des arts martiaux japonais écrite en 1714 par SHIGETAKA HINATSU comprend 10 volumes: tactique, manœuvre, étiquette, tir, équitation, sabre, lance, armes à feu, KOGUSOKU, JU-JUTSU.
TAI-JUTSU RYU
Méthode spécialisée pour le combat corps à corps et contre armes légères (sabre court, poignard): l’étude se faisait entre BUSHI revêtus d’une armure légère et armés d’un TANTO.
Le TAI-JUTSU était aussi appelé KOSHI NO MAWARI. (ndlr, cette école n’avait pas de lien avec le TAI JUTSU moderne)
Le nom JUDO était employé par l’école JIKISHIN RYU à l’époque TOKUGAWA (1600).
Ce style de JU-JUTSU n’avait rien a voir avec le JUDO du KODOKAN créé par maître KANO en 1882.
KITO RYU JU-JUTSU
Cette école créée au XVIIème siècle par le maître UKUNO élève du chinois CHANG YAN PIN et par ses successeurs les maîtres TERADA et IBARAGI. Ce dernier amena l’école à la prospérité. Dans un ouvrage secret FUJI YOSHIMURA élève et successeur de maître IBARAGI désigne la forme positive et la forme négative de KITO RYU: “on doit vaincre avec l’une ou l’autre de ces formes, on doit vaincre la vigueur par la souplesse en sachant utiliser la force adverse tout en préservant la sienne; on ne peut pas vaincre lorsque l’on a l’intention de déployer sa force sur la force adverse”. Comme on peut le constater, les principes mêmes du JU-JUTSU et du futur JUDO du KODOKAN sont ici mis à l’évidence. JIGORO KANO y fût élève.
Février 1854 – Partis de New Folk aux Etats Unis, les quatre bâtiments à vapeur de l’escadre du commodore MATTHEW PERRY arrivent enfin dans la baie d’EDO. Le commodore est chargé de conclure un traité avec l’empire du Soleil Levant, traité portant sur les points suivants: protection des marins américains faisant naufrage sur les côtes japonaises, droit de ravitaillement des bâtiments, accord pour des échanges commerciaux.
Bien que très mal accueillis par la population et les SAMOURAI fidèles à leurs principes, “Le Japon ne doit pas être ouvert aux étrangers”, les nouveaux temps étaient arrivés. Le pays du soleil levant ne sera jamais plus ce qu’il avait été depuis des siècles et des siècles. L’ère MEIJI qui approchait à grands pas, allait balayer ce passé, la féodalité disparaître, mais de ses cendres allaient renaître le BUDO et celui-ci tel le Phénix de la légende, de ses ailes couvrirait le monde.
Nous avons vu que le JU-JITSU était naturellement à l’époque féodale un ensemble de techniques qui décidait de la vie et de la mort du pratiquant. Son étude mettait l’homme dans un état réceptif sur toute chose et en particulier sur les champs de bataille, ceci depuis l’instauration du gouvernement des SAMOURAI établi à KAMAKURA (1192-1333) où les formes de combat corps à corps se développèrent.
Avant 1880, le JU-JITSU n’était pas une technique mais un nom dans lequel le public englobait toutes les écoles de combats corps à corps qui n’était pas du SUMO.
Certaines écoles pratiquaient une forme de lutte avec veste et pantalons courts, d’autres des techniques pour maîtriser un adversaire, d’autres la manière de lier un prisonnier. N’oublions pas que le but de JU-JITSU était de poursuivre le combat en luttant avec succès lorsque l’on perdait son sabre.
Le JU-JITSU après de longues années de développement avait atteint un tel degré de perfectionnement que même les faibles remportaient des victoires sur des ennemis puissants.
Un élément extrêmement important influença l’essor du JU-JITSU, en dehors des champs de bataille. Durant la période TOKUGAWA (1603-1868) caractérisée par un système rigide et isolationniste, le SAMOURAI circulait porteur de deux sabres à la ceinture tandis que les citoyens se voyaient interdire le port d’arme. Face aux comportements souvent belliqueux des SAMOURAI et des RONIN, les bourgeois et les marchands développèrent eux aussi l’art du combat avec des objets familiers et souvent à mains nues.
Il en fût de même pour les paysans qui utilisèrent en plus des outils agraires comme moyen de défense, des techniques de frappes (ATEMI); voir la création et le développement de l’OKINAWA-TE, puis du KARATE.
En 1877, un décret interdit l’usage et le port des sabres des BUSHI, d’où indirectement essor du combat rapproché. De plus, durant la période féodale, le port du sabre était interdit au peuple (86% de la population). L’art du JU-JITSU se répandit logiquement.
En 1868, le SHOGUNAT TOKUGAWA fût renversé. Le gouvernement MEIJI s’installa à TOKYO. Le système féodal s’achevant, le Japon rejetait les cultures et traditions anciennes et se tournait vers l’Occident.
Cependant, le JU-JITSU avait été classé, sous l’ère MEIJI, dans les arts à préserver. En 1886, 19ème année de l’ère MEIJI, la préfecture de police adopta officiellement le JU-JITSU comme méthode réservée aux policiers.
LE JUDO du KODOKAN
En 1882, un événement capital pour le futur des arts martiaux allait naître à TOKYO. Un professeur d’université JIGORO KANO crée le JUDO à partir de techniques de JU-JITSU d’où sont supprimées de nombreuses prises dangereuses dans le combat sportif. De plus, son enseignement comportait en parallèle des techniques traditionnelles de JU-JITSU.
A propos de ce dernier, citons les paroles du maître KANO :
“Il est (le ju-jitsu) une technique d’attaque et de défense à mains nues par principe. Pourtant, on fait face non seulement à des adversaires aux mains libres mais également à d’autres qui ont, soit une épée, soit une lance, soit un bâton. Dans ce dernier cas, il n’est pas impossible que le pratiquant de JU-JITSU emploie une arme.”
L’essor du JUDO et du JU-JITSU permit le développement mondial d’autres arts martiaux.
LE KARATE
Le KARATE moderne, SHOTOKAN, créé par maître FUNAKOSHI, et le WADO RYU créé par un disciple de celui-ci, maître OTSUKA.
Maître OTSUKA était aussi un expert en JU-JITSU et incorpora dans son style de KARATE des principes utilisés en JU-JITSU.
L’AIKIDO
L’AIKIDO de maître MORIHEI UESHIBA (1883-1969); c’est à partir du vieux JU-JITSU, du KEN-JITSU, de l’AIKI-JITSU et du DAITO RYU de TAKEDA, que le O SENSEI créa sa méthode.
LE SHORINJI-KEMPO
Le SHORINJI-KEMPO fût créé en 1949 par maître NAKANO MICHIONI appelé DOSHIN-SO (1911-1981) envoyé en Mandchourie comme agent des services secrets japonais. Il fût initié aux arts martiaux chinois par CHINRYO, moine TAOISTE. Plus tard, il devint élève et ami d’un expert en boxe chinoise nommé WEN LAO SHE. Il étudia le CH’UAN-FA l’art du poing ou KEMPO en japonais. Le SHORINJI-KEMPO de DOSHIN SO fût mis en forme après un savant assemblage de boxe chinoise et de JU-JITSU japonais. En plus de l’aspect martial, le GOHO, techniques proches du KARATE par ATEMI et blocages, et le JUHO composé de projections et clés, le SHORINJI-KEMPO met l’accent sur la pratique de la méditation et de la philosophie du KONGO ZEN. Ce dernier point l’assimile à une religion plus qu’à un BUDO. DOSHIN SO a établi le quartier général du SHORINJI-KEMPO à TADOTSU dans l’île de SHIKOKU au sud du Japon.
Rappelons que le nom de SHORINJI est la lecture du mot chinois SHAOLIN (voir plus haut).
LE NIHON JU-JITSU
Héritier du JU-JITSU ancestral, le NIHON JU-JITSU (NIHON signifiant, ce qui est fondamentalement japonais) est la méthode officielle enseignée au sein de l’IMAF (Fédération Internationale des Arts Martiaux Japonais), selon les préceptes établis par le SHIHAN ITO 10ème dan et son assistant et successeur SHIZUYA SATO 8ème dan de NIHON JU-JITSU.
L’auteur est titulaire du diplôme 1er degré (le plus haut degré) pour l’enseignement du NIHON JU-JITSU sur le plan international.
LE YOSEIKAN
Son fondateur maître MINORU MOCHIZUKI, 10ème dan, enseigne en parallèle de très nombreux BUDO. Son rayonnement et sa technique font de lui une des plus grandes figures des arts martiaux à travers le monde. Cette école se trouve à SHIZUOKA.
L’HAKKO-RYU
“Ecole de la 8ème lumière”, fondée en 1930 par maître RYUNO OKUYAMA, synthèse de JU-JITSU et AIKI-JITSU, cette méthode est spécialisée, de plus, en médecine douce, massage, SHIATSU.
LE YOSHINKAN
De maître GOZO SHIODA 10ème dan MEIJIN, cet art est très proche de l’AIKI-JITSU par son style et son efficacité. SHIODA SENSEI est un des dirigeants de haut niveau du KOKUSAI BUDO IN.
Le Capitaine britannique HUGUES s’inscrit au KODOKAN de TOKYO.
En Grande-Bretagne, plusieurs professeurs japonais ouvrent des DOJO au début du siècle. Parmi eux, le célèbre YOKIO TANI, lui-même professeur au Club de l’école Japonaise d’Oxford Street à Londres.
Deux français, Jean-Joseph RENAUD et Guy de MONTGRILHARD dit RE-NIE s’inscrivent à ces cours. Le premier DOJO s’ouvre à Paris, rue de Ponthieu en 1904.
RE-NIE écrasa le célèbre lutteur Georges DUBOIS, le 26 Octobre 1905, au cours d’un match défi. Georges DUBOIS bien que beaucoup plus lourd et mieux préparé physiquement que Guy de MONTGRILHARD, sera bloqué au sol et abandonnera sur une clé de bras. Selon le rapport des connaissances de l’époque et du degré d’entraînement, le niveau technique de RE-NIE correspondait à celui d’une ceinture marron.
En 1908, l’enseigne de vaisseau LE PRIEUR sera la premier français à étudier le JUDO et le JU -JITSU au Japon.
Malheureusement, à son retour en France, faute de partenaire valable, il abandonnera peu à peu les arts martiaux.
Pour la petite histoire, LE PRIEUR inventa par la suite les bouteilles d’oxygène pour la plongée sous marine.
En 1906, l’allemand Eric RAHN ouvre à Berlin la première école de JU- JITSU.
Encore en Angleterre, ALLAN SMITH fût le premier européen gradé ceinture noire.
En 1924, K. ISHIGURO et A. AIDA, tous les deux 5ème dan, enseignent le JU-JITSU au Sporting Club de Paris. Le célèbre peintre japonais FUJITA, ceinture marron, grade obtenu à Tokyo aide K. ISHIGURO à développer sa discipline.
Un scientifique MOSHE FELDENKRAIS, britannique d’origine israélite créa le premier DOJO officiel :
le JIU-JITSU club de France aidé en cela par Monsieur et Madame JOLIOT -CURIE.
En septembre 1933, Le maître JIGORO KANO et son assistant SHUIDI NAGAOKA qui deviendra plus tard 10ème dan participent au Championnat de France à une série de démonstrations et de conférences. Ils font connaissance de M. FELDENKRAIS.
Maître KANO préface le premier ouvrage officiel écrit en Français sur le JU-JITSU:” Manuel Pratique du JIU-JITSU”.
Voici un bref extrait de ce livre très intéressant :
“le JU-JITSU est une méthode d’éducation physique par excellence mais aussi une école morale, inspirée par la supériorité et la précision des méthodes sportives japonaises. Le JU-JITSU combat la force brutale par les lois de la mécanique rationnelle, opposant la technique à la force sauvage par sa méthode logique basée sur le minimum d’effort pour un maximum d’efficacité.”
Puis M. FELDENKRAIS fait venir le 1er octobre 1935 un 5éme dan japonais, MIKINOSUKE KAWAISHI. Son arrivée allait donner le véritable essor du JUDO et du JU-JITSU européens. Maître KAWAISHI excellent pédagogue crée une méthode personnelle de JU-JITSU qui se répand à travers l’Europe.
Notons le travail remarquable assuré en parallèle par le Maître japonais GUNSI KOIZUMI en Angleterre.
En 1957, JIM ALCHEIK, de retour du Japon où il passa plusieurs années chez Maître MINORU MOCHIZUKI, crée la Fédération Française de TAI JITSU (l’auteur deviendra le premier titulaire de la Commission Nationale en 1959 – Voir Historique du Nihon Tai-jitsu et de Roland Hernaez).
HERITAGE de l’antique Japon, le JU-JITSU garde les traditions spirituelles d’un peuple riche en culture comme en sentiments nobles.
Le devoir de chacun des pratiquants du BUDO est de perpétuer ces conceptions dans notre monde moderne en y apportant la manifestation d’un développement pour la paix et le bonheur de tous.
RELATIONS ENTRE ZEN ET ARTS MARTIAUX
Le JU-JITSU était enseigné dans les dojo qui essentiellement se situaient dans les temples. Les Arts Martiaux étaient donc étroitement liés au BOUDDHISME venu de l’Inde et introduit au Japon par la Chine.
Précisons d’ailleurs que le mot DOJO est d’origine bouddhiste ; il est formé de “JO” qui est “l’enclos intérieur du temple” et du mot “DO”, “la voie” que l’on retrouve constamment dans le langage des Arts Martiaux Japonais.
Une des branches du Bouddhisme, le ZEN, prit de l’essor et imprégna l’âme des “SAMOURAI”. Ce point particulier n’est pas sans rappeler le rôle important joué à la même époque par le Christianisme lié à la Chevalerie européenne.
L’histoire des Arts Martiaux, et en particulier du JU-JITSU, ne peut donc être évoquée sans faire référence au ZEN (mot qui est une abréviation de ZENNA) : méditation ou contemplation.
Grâce aux écrits, entre autres, du moine TAISEN DESHIMARU (1914-1982) auteur de ZEN et ARTS MARTIAUX, il est possible de mieux comprendre le cheminement.
Le ZEN remonte à l’expérience du Bouddha SAKYAMUNI qui réalisa l’éveil de la posture ZAZEN (assis en tailleur ou bien à genoux pieds en extension), en Inde au VIème siècle avant J.C.
Cette expérience s’est depuis transmise de façon ininterrompue, de maître à disciple formant ainsi la lignée du ZEN. Après une implantation de près de mille ans en Inde, cet enseignement fût apporté en Chine au VIème siècle après J.C. par le moine BODHIDHARMA 28ème patriarche. Le ZEN sous le nom de CH’AN est une école du “grand véhicule” Bouddhiste qui recommande la concentration et l’apaisement de la conscience humaine, liés à l’action intérieure.
Le ZEN connut alors un grand épanouissement dans ce pays, y trouvant un terrain favorable à son développement.
Selon certaines sources, c’est Le moine RINSAI (1141-1215) qui introduisit le ZEN au Japon au XIIème siècle (1191) et fonda sur l’île de KYUSHU le premier monastère.
Selon d’autres sources, c’est le moine japonais DOGEN, qui après un séjour en Chine, apporta le ZEN au Japon.
Le ZEN influencera profondément toute la culture Japonaise, plus de 20000 temples témoignent aujourd’hui de ce rayonnement.
Avec son message de discipline intérieure et d’inlassable recherche de la vérité, le ZEN deviendra l’expression religieuse du BUSHIDO, le code d’honneur de la Chevalerie Japonaise.
La fusion de cet esprit du BOUDDHISME et du SHINTOISME donnera cette voie en 7 points essentiels :
GI | la décision juste, l’attitude juste, la vérité |
YU | l’amour universel, la bienveillance envers l’humanité |
JIN | la bravoure teintée d’héroïsme |
REI | le comportement juste |
MAKATO | la sincérité totale |
MELYO | l’honneur et la gloire |
CHUGI | la dévotion et la loyauté |
Le BUDO est aussi une parfaite méthode pour comprendre la nature de son propre esprit et de son ego. Sa relation avec le sport est toute récente. Ce n’est pas seulement l’apprentissage d’une technique, un WAZA et encore moins une compétition sportive.
Le BUDO comprend bien sûr des arts de combats à notions sportives modernes comme le JUDO, le KARATE, le KENDO. Pourtant la KANJI “BU” signifie aussi stopper, arrêter la lutte car dans le BUDO, il ne s’agit pas seulement de concourir, mais de trouver paix et maîtrise de soi.
L’esprit du ZEN fût introduit au Japon, chez un peuple belliqueux, dont la guerre était l’occupation habituelle. Ce fût le génie du ZEN de transformer les techniques brutales guerrières en art de paix et de recherche de soi-même.
Le ZEN s’exprime également dans de nombreux aspects de la vie quotidienne, l’art florale (IKEBANA), la cérémonie du thé, la diététique, la calligraphie, l’art des jardins.
Notons que le ZEN fût introduit en Europe en particulier grâce au maître DESHIMARU.
ETIQUETTE ET TRADITIONS
Les pratiquants de BUDO, quelque soit leur niveau, doivent impérativement étudier et mettre en application durant toute leur vie de BUDOKA les règles qui régissent leur discipline.
Trop nombreuses pour être rappelées ici, ces règles font partie des conceptions fondamentales des arts martiaux japonais : traditions et respect.
Nous allons insister sur quelques points précis.
Le DOJO
Lieu où l’on étudie la voie.
Le salut est de rigueur, avant de pénétrer sur le tatami ainsi qu’en le quittant. Il est le même que celui précédant et terminant un exercice d’étude ou un RANDORI. Les talons joints, les pieds formants un angle de 60 degrés, mains le long du corps, le buste s’incline en avant, les yeux regardent le partenaire.
LE SALUT AGENOUILLÉ
Dans les temps anciens, la manière de saluer dépendait de l’importance que l’on accordait au vis à vis; par exemple, un SAMOURAI saluant son supérieur s’accroupissait en posant le genou droit au sol. Or, dans cette position, il est très difficile de dégainer le KATANA qui, rappelons le, se portait toujours à gauche, donc signe de confiance totale. En revanche, en mettant le genou gauche au sol en premier, il exprimait sa méfiance (posture traditionnelle dans tous les arts martiaux japonais). Il en est de même pour la pose des mains sur le tapis. Poser en premier la main gauche signifie que la droite est prête à saisir le sabre.
Dans le dojo, le pratiquant fait face à la place d’honneur, le KAMIZA (KAMI: ce qui est supérieur, par extension le ou les dieux du Panthéon SHINTOISTE; ZA: la place où l’on s’assied).
Il descend d’abord le genou gauche en reculant son pied, puis le genoux droit. Les genoux sont écartés de la largeur de deux à trois poings. Les orteils sont fléchis, les pieds s’allongent, les mains sont situées environ à 20 centimètres des genoux en position triangulaire, le buste s’incline, les yeux fixent le partenaire, ou l’endroit salué. Pour se relever, on avance le pied droit, puis le gauche. Ce salut se fait généralement pour commencer la leçon et la terminer. On le retrouve dans l’étude et la pratique des KATA. A ce sujet, rappelons la définition du KATA.
KATA
Ethique des Arts Martiaux; ensemble de techniques fondamentales et forme d’entraînement codifiée afin de transmettre, de génération en génération, la technique, l’esprit et les buts de l’Art Martial pratiqué.
Les KATA, très nombreux en JU-JITSU, comme dans beaucoup de BUDO, doivent être imprégnés de vigueur mais aussi de sérénité.
Un élément important doit être cultivé: le KOKORO. Eduquer et conserver l’esprit qui ne doit jamais être troublé.
D’après le maître KYUSO MIFUNE l0ème dan: ” le KOKORO ne se voit pas mais apparaît sous la forme de réceptacle. Le KOKORO ou centre des choses est MICHI qui signifie route, chemin, MICHI apparaît sous la forme de JUTSU: l’art ou la technique”